Histoire et évolution du basset artésien normand traditionnel

Imaginez un chien au regard doux, aux oreilles tombantes et à la démarche nonchalante, mais capable de prouesses exceptionnelles lors d'une chasse au lapin dans les broussailles normandes. Ce chien, c'est le Basset Artésien Normand traditionnel, un gardien d'un patrimoine cynologique qui mérite d'être redécouvert et protégé. Ce n'est pas simplement un chien, mais un symbole de l'histoire rurale française, un compagnon fidèle et un chasseur infatigable dont les qualités ont été patiemment affinées au fil des générations.

Nous allons retracer son évolution à travers les siècles, en examinant les influences qui ont façonné son physique, son tempérament et ses aptitudes. Enfin, nous aborderons les initiatives de sauvegarde mises en œuvre par des passionnés afin de conserver ce trésor canin pour les générations futures.

Origines et racines : le basset d'artois, un héritage précieux (pré-1870)

Avant d'aborder l'histoire du Basset Artésien Normand tel que nous le connaissons, il est indispensable de remonter à ses origines et d'explorer l'héritage du Basset d'Artois. Cet ancêtre commun à plusieurs races de bassets français, a une histoire intimement liée à la chasse et à la vie rurale en France. Comprendre les racines du BAN-T nous permet de mieux appréhender son évolution et les facteurs qui ont contribué à son développement.

Le basset d'artois : un ancêtre commun

Le Basset d'Artois originel était un chien de chasse à tir, utilisé pour lever le gibier et le forcer à sortir de sa cachette. Il était apprécié pour son flair exceptionnel, sa persévérance et sa capacité à évoluer en terrain difficile. Plusieurs hypothèses existent quant à ses origines, certaines évoquant des croisements avec d'autres races de bassets, tandis que d'autres suggèrent une descendance directe de chiens courants locaux.

  • Aptitude remarquable pour la chasse au lièvre et au lapin.
  • Caractère sociable et attachant, facilitant le travail en équipe.
  • Endurance importante, permettant de longues journées de chasse.

L'émergence des variétés régionales

Au fil du temps, les spécificités des terrains et des proies ont conduit à la sélection de différents types de bassets dans les régions de France. En Artois et en Normandie, le terroir a joué un rôle essentiel dans le développement de caractéristiques spécifiques chez les bassets locaux. Les éleveurs ont favorisé les individus les mieux adaptés à la chasse dans les plaines et les bocages de ces régions, contribuant ainsi à l'émergence de variétés régionales distinctes.

Le baron de la vaisseière : un acteur majeur

Le Baron de la Vaisseière est une figure historique clé dans le développement initial du Basset Artésien Normand. Ses observations et ses écrits ont contribué à la fixation du "type chasseur". Il insistait sur l'importance de la morphologie et du tempérament dans la sélection des reproducteurs, soulignant la nécessité d'allier flair et courage.

La fixation du type : naissance du basset artésien normand (1870-1930)

La période allant de 1870 à 1930 constitue une étape cruciale dans l'histoire du Basset Artésien Normand. C'est durant cette période que les efforts d'unification et de standardisation de la race ont abouti, donnant naissance au Basset Artésien Normand tel que nous le connaissons. La création du premier standard a permis d'harmoniser les caractéristiques de la race, tout en préservant son identité et ses aptitudes de chien de chasse.

L'unification et la reconnaissance

La création du premier standard de la race fut un processus complexe. Les débats furent nombreux quant aux caractéristiques à privilégier, notamment la morphologie et le tempérament. Un compromis permit la publication du premier standard du Basset Artésien Normand en 1898. La race fut reconnue par la Société Centrale Canine en 1911, étape importante lui conférant légitimité et visibilité.

Les caractéristiques distinctives du basset artésien normand originel

Le Basset Artésien Normand originel se distinguait par un physique robuste et harmonieux, adapté à la chasse. La couleur la plus recherchée de sa robe était tricolore (fauve, blanc et noir), avec des marques bien définies. Le standard de la race de 1898 insistait sur l'importance du "type chasseur".

  • Taille : 30-36 cm au garrot, favorisant la pénétration dans les broussailles.
  • Poids : 14-18 kg, signe d'une ossature solide et d'une musculature développée.
  • Robe : Tricolore (fauve, blanc, noir), avec des marques distinctes.

Il est important de souligner les différences significatives avec le BAN moderne, qui tend à être plus léger, plus petit et moins robuste. Le BAN-T possède une ossature plus imposante et une tête plus massive, lui conférant puissance et endurance. Son caractère est plus affirmé, reflétant son héritage de chien de chasse. La sélection d'individus trop légers ou timides était découragée.

L'age d'or de la chasse avec le basset artésien normand

Le Basset Artésien Normand connut son apogée durant la première moitié du 20ème siècle. Son rôle dans la chasse au petit gibier, en particulier le lapin, était essentiel. Il était un membre de la communauté rurale, participant à la vie quotidienne et à la subsistance de nombreuses familles.

Comparaison des caractéristiques entre le Basset Artésien Normand Traditionnel et le Basset Artésien Normand Moderne :

Caractéristique Basset Artésien Normand Traditionnel (BAN-T) Basset Artésien Normand Moderne (BAN-M)
Taille au garrot 30-36 cm Jusqu'à 38 cm
Poids 14-18 kg 15-20 kg
Ossature Lourde et robuste Plus légère
Tête Forte et massive Plus fine
Tempérament Courageux, persévérant, indépendant Plus docile
Aptitudes à la chasse Excellentes Variable

L'évolution et ses dérives : le déclin du type originel (1930-aujourd'hui)

L'histoire du Basset Artésien Normand n'est pas sans difficultés. À partir des années 1930, le type originel a commencé à décliner, en raison de divers facteurs tels que les guerres, les modes et les orientations de la sélection. Examinons les causes de ce déclin et les conséquences de la perte du type originel.

Les influences des guerres et des tendances

Les guerres mondiales ont impacté les populations canines en France, réduisant le nombre de reproducteurs et la diversité génétique. L'évolution des pratiques de chasse et des préférences a contribué au déclin du type traditionnel. L'influence des expositions canines a conduit à privilégier des critères esthétiques aux aptitudes au travail, accentuant la dérive vers le "basset moderne".

La standardisation et la perte de diversité génétique

La sélection excessive sur des critères esthétiques a eu des conséquences sur la santé et le tempérament du Basset Artésien Normand. La consanguinité a augmenté, entraînant des maladies génétiques et une diminution de la vitalité.

Le "basset moderne" et ses différences

Le Basset Artésien Normand moderne se distingue du type originel par plusieurs caractéristiques. Il est plus petit, plus léger et moins robuste. Son ossature est plus fine, sa tête moins massive et son tempérament plus docile. Ses aptitudes à la chasse sont moins développées.

  • Problèmes de santé.
  • Diminution des aptitudes à la chasse.
  • Tempérament plus docile.

Le rôle de la société de vènerie

La Société de Vènerie joue un rôle dans la sauvegarde des races de chiens courants utilisées pour la chasse à courre, dont le Basset Artésien Normand. L'utilisation du BAN dans la vénerie exige des qualités telles que l'endurance, le courage et la capacité à travailler en meute. La sélection des BAN pour la vénerie contribue à maintenir des caractéristiques du type traditionnel, concernant le tempérament et les aptitudes physiques.

La renaissance : les acteurs de la sauvegarde du type originel

L'histoire du Basset Artésien Normand continue de s'écrire. Depuis quelques années, on observe un regain d'intérêt pour la conservation des races traditionnelles. Des éleveurs se sont engagés à conserver le BAN-T, en mettant en œuvre des stratégies de sélection rigoureuses et en collaborant avec d'autres acteurs.

Le renouveau d'intérêt pour le BAN-T

Ce renouveau est une tendance globale, touchant de nombreuses races de chiens. La prise de conscience des problèmes liés à la standardisation excessive et à la perte de diversité génétique a incité certains éleveurs à s'intéresser au type originel du Basset Artésien Normand, essentiel pour la santé, le tempérament et les aptitudes au travail de la race.

Évolution du nombre de naissances annuelles de Basset Artésien Normand :

Période Nombre de naissances annuelles (estimation)
1920-1930 (Âge d'Or) 800-1000
1950-1960 500-700
1980-1990 200-300
2010-2020 (Regain) 350-450

Les initiatives et les associations de préservation du basset artésien normand

Plusieurs éleveurs se consacrent à la conservation du Basset Artésien Normand originel. Leurs stratégies reposent sur une sélection rigoureuse basée sur des critères de santé, de tempérament et d'aptitudes. Ils utilisent des lignées anciennes, collaborent avec d'autres éleveurs et cherchent à minimiser la consanguinité. Ils rencontrent des difficultés, notamment le manque de ressources et le faible nombre de chiens.

  • Sélection rigoureuse sur la santé et le tempérament des reproducteurs.
  • Utilisation de lignées anciennes et échanges entre éleveurs.
  • Réduction de la consanguinité grâce aux tests ADN.

Parmi ces éleveurs engagés, on peut citer l'élevage de la Vallée de la Course, reconnu pour son travail de sélection rigoureux et son attachement au type originel. Cet élevage participe activement à des programmes de conservation et s'efforce de préserver la diversité génétique de la race.

L'importance de l'ADN et de la généalogie

Les tests ADN sont cruciaux pour vérifier les lignées et prévenir la consanguinité. Ils permettent d'identifier les individus porteurs de gènes importants et de retracer l'histoire des lignées. La constitution de bases de données généalogiques est essentielle pour gérer la diversité génétique et éviter les croisements inappropriés. Ces outils permettent de préserver le Basset Artésien Normand traditionnel.

Des initiatives comme le projet "BANT-Connect" visent à créer une base de données généalogique en ligne accessible aux éleveurs et aux passionnés, facilitant ainsi la gestion de la diversité génétique et la planification des accouplements.

Quel avenir pour le basset artésien normand originel ?

L'histoire du Basset Artésien Normand est un récit de passion, de tradition et de conservation. De ses origines comme chien de chasse, à sa quasi-disparition face aux modes, le BAN-T renaît grâce à l'engagement d'éleveurs.

Les défis sont nombreux : reconnaissance, financement, sensibilisation. Les efforts sont encourageants et laissent entrevoir un avenir pour ce patrimoine canin. Il est essentiel de soutenir les éleveurs, et de promouvoir le Basset Artésien Normand auprès des passionnés. La conservation de la diversité génétique est un enjeu, et le Basset Artésien Normand en est un exemple. Ensemble, assurons la survie de ce trésor.